Vous m’avez demandé, mon cher Alfonso, il y a quelques jours, de vous mettre au courant de ce qu’est la franc-maçonnerie. Nous allons en parler ce soir.
La naissance de la franc-maçonnerie est incertaine, et les opinions à ce sujet sont très diverses. Certains la font remonter à l’antiquité. D’autres, au temps du roi Salomon qui avait logé les constructeurs près du temple, peut-être à cause d’une certaine légende : le roi de Tyr avait envoyé au roi Salomon le chef de chantier Hiram (en hébreu Harodim) pour l’édification de son temple. Hiram, très érudit dans son métier, a été assassiné par trois ouvriers et transporté loin du temple. Salomon, inquiet de la disparition, le fait rechercher. Un homme découvre un coin de terre fraîchement remuée sur laquelle un arbuste avait été fiché ; intrigué, il creuse et aperçoit le corps d’Hiram. Après s’être assuré que c’était bien lui, il le recouvre de terre, plante des branches d’acacia pour retrouver l’emplacement et va informer le roi Salomon. Celui-ci fera enterrer Hiram dans le Saint des saints, ses compagnons le porteront en gants et tabliers blancs. Que la légende soit vraie ou fausse, les loges maçonniques ont conservé les symboles de l’acacia et du tablier.
D’autres encore pensent que la franc-maçonnerie est née des maçons corporatifs qui se groupaient en loges. C’est un peu ce que je crois. Quoi qu’il en soit, je vais essayer de vous expliquer quel était l’esprit de la franc-maçonnerie.
Les associations de métiers étaient les héritières des collegia, anciens groupements de constructeurs qui se sont dissouts au moment des invasions diverses. Elles ont été reconstituées au Moyen-Âge sous forme de confréries templières régies par les bénédictins et les cisterciens. Elles ont accompagné les croisés pour assurer la construction de leurs ouvrages militaires et hospitaliers. L’Eglise leur a octroyé de larges franchises les dispensant des corvées et redevances que d’autres constructeurs et ouvriers devaient au roi. Les Templiers ont employé aussi des maçons et constructeurs laïcs qui étaient unis en communauté de métiers, et ont bénéficié – grâce aux Templiers – des mêmes franchises. On les appelait communauté de « francs-métiers ». Elles se réunissaient en loges, et il est normal de penser que c’est elles qui ont donné leur nom à la franc-maçonnerie. Leurs membres s’appelaient « libres-maçons ». Ils gardaient secrets leurs travaux. Ils entretenaient des relations suivies avec les Templiers. Leurs maîtres d’œuvre s’appelaient « magister » ou « maitres ». C’étaient des hommes de grande culture. Certains connaissaient parfaitement le latin et le grec, ainsi que diverses sciences et techniques.
En royaume franc, la Maçonnerie n’était constituée, à ses débuts, que de gens de métiers libres : architectes, constructeurs, charpentiers, artistes peintres, sculpteurs, imagiers, argentiers, etc.
Peu à peu, des groupements d’artisans et de commerçants se sont joints à eux. Des savants de diverses disciplines, intéressés par leurs réalisations, se sont fait admettre dans les loges maçonniques.
A cette époque, les constructeurs templiers et laïcs voyageaient beaucoup. Ils furent à l’origine du développement en Europe des confréries de francs-métiers et, de ce fait, des formations de loges. On y pratiquait les initiations professionnelles et on y étudiait la philosophie, la métaphysique, la théologie et l’astronomie. Mais cela, toujours dans le plus grand secret, le pouvoir n’ayant aucune bienveillance pour ces confréries qui jouissaient de trop de franchises à son gré.
Ces confréries et communautés remplissaient une mission éducative pour les métiers et la culture générale.
Il s’était créé des « communautés jurés » admises par le roi et soutenues par une grande partie du clergé. Elles ont pris une forte extension au détriment des confréries de francs métiers. En 1306 le pouvoir reproche à ces dernières d’entretenir une agitation politique et profite de cet argument pour les supprimer.
Les communautés jurés avaient seules le droit de s’étendre dans le pays, interdisant aux autres de sortir de la cité de Paris. Elles seules pouvaient représenter les professions. Elles réservaient l’accès de la maîtrise et l’exercice des métiers aux leurs. C’était vouloir la disparition des confréries de francs métiers et ramener leurs membres au rôle de salariés employés par les communautés jurés. En réalité, ces confréries n’ont pas disparu et se sont reconstituées peu à peu dans le secret des loges.
En marge de ces sociétés jurés et de ces confréries, existait un compagnonnage encore peu organisé. Les compagnons demeuraient fidèles aux rites anciens, aux traditions templières, et croyaient à l’universalité de la connaissance. Ils avaient obtenu du roi des droits qui leur facilitaient l’exercice de leurs métiers. Eux aussi ont été poursuivis par les communautés jurés.
Voyant cet été de choses, ils se sont organisés pour défendre leur liberté au travail. Ils ont créé deux groupements. L’un d’eux, uniquement catholique, les « Compagnons du Devoir » (dévoirants) qui se disaient fils spirituels de Maître Jacques et de Père Soubise. Ils se sont surnommés les « loups garous » et les « drilles ». L’autre groupe, les « Compagnons du Devoir Estranger de Liberté », enfants de Salomon – les « loups » - dont les membres appartenaient à toutes races et confessions. Ils étaient les « ouvriers passants ».
Les templiers ont construit des églises dédiées aux saints patrons de leurs divers métiers dans lesquelles il y avait toujours un autel dédié à saint Jean-Baptiste et un autre à l’apôtre Jean. Ils ont fondé les hôpitaux pour les pèlerins dans lesquels ils hébergeaient les « ouvriers passants ». Ceux-ci n’avaient pas de logements fixes contrairement à ceux des confréries de francs métiers qui, à Paris, étaient hébergés dans une maison qui leur était réservée.
A la suite d’émeutes, en 1382, toutes les confréries et compagnonnages ont été supprimés à nouveau. Grâce au secret, et à l’appui occulte des loges maçonniques, ces confréries et compagnonnages se sont maintenus en se mettant en sommeil. Du fait de ces entraves et de la réduction obligée de leurs activités, c’est la franc-maçonnerie qui conservera et transmettra les valeurs initiatiques.
Après la dissolution de l’Ordre du Temple, les Hospitaliers leur ont succédé. Ils ont pu garder les droits seigneuriaux, les privilèges ecclésiastiques et spirituels des Templiers. Vous ne savez sans doute pas que les Templiers avaient le droit d’enterrer avec les sacrements, dans leurs cimetières, des excommuniés. Les Hospitaliers ont continué cette coutume. Certains d’entre eux étaient alchimistes et fréquentaient les loges de la franc-maçonnerie ainsi que des moines de certains ordres et des laïcs, eux aussi alchimistes.
C’est pendant le règne de Louis XI, entre 1461 et 1483, que les alchimistes ont été violemment pourchassés. Les évêques ont fait brûler leurs maisons, leurs écrits, et bien souvent l’alchimiste lui-même.
Pendant cette période, les Massenies existantes dans certaines régions du royaume ont été obligées de disparaître aux yeux de tous. Leurs Frères se sont éparpillés. Je souhaite qu’ils puissent se réunir à nouveau dans leurs Massenies.
[…]
Je vais maintenant vous parler de l’Ecosse où la franc-maçonnerie est importante, de l’Angleterre et de l’Allemagne. C’est avec ces trois pays que nous avons le plus de contacts. Je ne puis donc rien vous dire intéressant les autres pays.
On s’accorde généralement pour dire que la franc-maçonnerie écossaise a été fondée par Robert Bruce, roi d’Ecosse, appartenant à une famille templière d’origine flamande.
Il existait, depuis 1128, une abbaye fondée par le roi David 1er, à Elyrood.
En 1314, Robert Bruce fonde l’Ordre de Heredom de Kilvinning, dont le siège sera Canongate, relevant d’Elyrood. Canongate est une petite salle très intime bâtie sur l’emplacement de l’ancien temple des Chevaliers de Saint-Jean. Le nom de Canongate signifie la porte des chanoines. La loge de Kilvinning deviendra « Canongate-Kilvinning » et sera élevée au rang de loge royale.
Comme en France, il y avait en Ecosse des associations monastiques de constructeurs relevant des bénédictins et des cisterciens. A côté de ses associations, il s’est créé des communautés de francs-métiers. D’ailleurs, il s’en est répandu un peu partout en Europe. Ces deux groupements de constructeurs ont été en rapport en Orient avec des musulmans et des sémites. Ils ont connu leurs formes d’initiation. Ce sont les maîtrises de ces constructeurs qui ont accueilli les Templiers après la dissolution de leur Ordre.
Ces Templiers, accueillis dans la loge de Canongate-Kilvinning, ont participé au combat victorieux de Banneckbur contre les Anglais qui a assuré l’indépendance de l’Ecosse.
En remerciement de cette participation, le roi crée l’Ordre des Chevaliers du Chardon de Saint-André dont il décore les Templiers. Ceux-ci ont adopté comme signe de reconnaissance une figure représentant la croix de Saint-André formée par un Templier allongé dont les jambes sont croisées en X, la main droite tirant l’épée du fourreau, ce dernier maintenu par la main gauche. Les Templiers ont été enterrés en Ecosse dans cette position.
L’Ordre du Chardon est devenu un grade dans le rite de la franc-maçonnerie.
Les Ecossais de Canongate-Kilvinning observent, le 14 juin, la fête de leur saint-patron Jean-Baptiste.
Jamais cette loge n’a été « fermée » depuis sa fondation, mais seulement « ajournée » d’une réunion à l’autre. Ceci est très symbolique.
La franc-maçonnerie écossaise conserve l’héritage des Templiers vivifié par l’apport d’autres loges.
[…]
Voilà tout ce que je puis vous dire concernant la franc-maçonnerie.
Son idéal est le même que le nôtre dans les Massenies. Ce n’est que la continuation de l’esprit du Temple. C’est une éternelle tâche toujours en mouvement. Il faut suggérer le travail et stimuler le besoin de la Connaissance.
Extrait du livre de Gabrielle : des Templiers aux Massenies du St Graal
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