Qui n'a pas entendu parler du Graal ? Cela s'explique dans la mesure où le Graal se réfère à une réalité spirituelle de nature universelle, dont on retrouve donc la trace dans toutes les traditions.
S'agissant d'un symbole qui nous parle de la présence du Divin en l'homme et dans le monde, on comprend que l'on en retrouve la trace dans toutes les traditions dont il constitue le noyau central. Il en est du Graal comme d'un arbre dont le tronc essentiel est celui de la Tradition spirituelle immémoriale, transmise d'âge en âge et qui se spécifie par ses branches dans le temps et l'espace.
Le Graal est également semblable à la circonférence d'un cercle qui s'offre à la multiplicité des regards, mais qui est armé de l'intérieur par son point central où réside la connaissance vivante et secrète. Ce point est le Graal de toutes choses, à propos duquel une antique maxime traditionnelle nous dit "connais cela, ce par quoi tu connaîtras le Tout". Ainsi, la Coupe du Graal est-elle aussi à entendre au sens géométrique du terme.
La Coupe est le symbole de l'être de l'homme, qui doit être purifiée, ciselée, élevée et ennoblie, finalement transmutée, afin que l'Aigle de la Révélation, aimanté par le désir et le travail de l'homme sur lui-même, puisse surgir du ciel et y établir durablement sa demeure. Tel est le sens de la biographie emblématique du héros christique du Graal, Perceval (qui à bien des égards, est un nouvel Ulysse, renouvelant un Mystère antique au cœur du Moyen-Âge).
Au passage, son initiation est en tout point analogue à l'initiation templière, telle qu'elle fut en particulier caractérisée par saint Bernard dans son Eloge de la nouvelle chevalerie. Rappelons d'ailleurs que c'est seulement trente ans après la création du Temple (au concile de Troyes, sous le haut patronage de saint Bernard, en 1128) que les écrits de "Chrétien de Troyes" vont apparaître...
Nous assistons à cette époque à une conjonction culturelle et spirituelle qui ne doit rien au hasard. Cette période fut un âge d'or, comme un temps de Pentecôte, dans le devenir de la civilisation chrétienne, qui vit se développer l'Amour courtois et les Arts libéraux, fleurir les cathédrales dans le ciel de l'Europe et s'élancer la Chrétienté vers la Terre sainte.
Au-delà du sens narratif nécessairement coloré par les conditions de vie, la chevalerie et la culture de l'époque, les textes du Graal comportent d'autres significations, plus profondes et de nature intemporelle, que l'on ne peut saisir qu'au travers des symboles et des nombres qui en constituent les clés d'accès.
A ce propos, il n'est sans doute pas inutile de préciser le terme d'ésotérisme. Nous avons utilisé l'image de l'arbre à propos du Graal. Elle va nous aider à préciser le propos. L'arbre comporte un tronc qui est un axe reliant le monde de l'En-haut" et celui de "l'en-Bas", métaphysiquement parlant. Symboliquement le ciel et la terre. Cet axe est celui de la connaissance vivante qui irrigue le monde comme une sève irrigue l'arbre des racines jusqu'au ciel.
Et ce tronc comprend trois parties essentielles : l'écorce tout d'abord, qui est la partie la plus extérieure et aisément accessible au regard ; l'aubier ensuite, plus intériorisé ; enfin le cœur qui apparaît aux yeux de celui qui cherche avec persévérance et de la bonne façon. Le cœur constitue la dimension ésotérique proprement dite qui ne se révèle qu'à l'issue d'une recherche, d'un approfondissement et d'un processus de dévoilement de soi-même.
Cette image permet de comprendre que le caractère ésotérique d'un texte ne saurait dépendre d'une quelconque volonté humaine de maintenir un secret. C'est la nature même des choses qui confère un caractère ésotérique et qui appelle une démarche de dévoilement pour découvrir le centre que l'on nomme le Graal. Ce lieu est celui du Mystère, mot qui ne désigne pas une vérité qui serait à jamais incompréhensible pour l'entendement humain, mais une vérité qui fait l'objet d'un dévoilement progressif, entendons d'une initiation.
A ce propos, à la lecture des textes du Graal, une première constatation s'impose, qui est une invitation à chacun d'entre nous : les chevaliers du Graal sont toujours en chemin. C'est-à-dire en recherche et en devenir.
Jean Poyard
(Extraits choisis de l'introduction de son livre : Le Graal.)
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